L’humanité sait depuis plusieurs décennies que le changement climatique constitue un risque dont la probabilité de réalisation est très élevée et dont l’impact sur ses conditions de vie, voire de survie, sera très probablement majeur. Pourtant, les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter. Pourquoi sommes-nous collectivement incapables de préserver notre avenir ?

L’analyse des trajectoires montre l’ampleur de la tache à accomplir. Une autre raison nous semble être l’existence d’un ensemble d’illusions qui justifient l’immobilisme. 


Qu’est-ce qu’une illusion ?

Définition du Petit Robert : « Opinion fausse, croyance erronée, qui abuse l’esprit par son caractère séduisant ».

Dans un domaine qui appelle l’action comme le changement climatique, les croyances importent. Si elles sont effectivement erronées, elles conduisent à des actions contreproductives ou à l’inaction. C’est pourquoi elles méritent d’être argumentées et débattues.

Pour autant, ne soyons pas naïfs ! Si certains « croyants » sont sincères et peut-être mal informés, beaucoup d’autres sont parfaitement informés mais mus par la défense d’un intérêt particulier plus que par la recherche de la vérité.

 

Panorama des Profils

Les personnes qui se passionnent pour le changement climatique peuvent être classées en 3 catégories en fonction de leurs réponses aux deux questions suivantes :

  • Question 1 : Le changement climatique constitue-t-il une menace majeure pour l’humanité ?
  • Question 2 : Les objectifs de réduction des émissions de GES sont-ils atteignables sans efforts considérables ?
  • Il est caricatural de répondre oui ou non, beaucoup de nuances peuvent exister, il reste commode de distinguer les profils suivants :
Question 1/ Question 2 Oui Non
Oui Post croissance Développement durable
Non Climato-sceptique modéré Climato-sceptique radical
  1. Les climato-sceptiques pensent que le problème du changement climatique est moindre que ce que ne dit le GIEC. Les climato-sceptiques radicaux (l’archétype peut être Donald Trump) n’ont simplement pas d’intérêt pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre. D’autres ne nient pas l’existence du changement climatique mais considèrent que la réduction des émissions est hors de portée, et qu’il y a d’autres problèmes qui méritent plus d’attention dans le monde. La variante par les économistes climato-sceptiques de cette vision consiste à évaluer le coût de l’inaction (qu’ils ne contestent pas mais jugent faible et lointain) et de l’action (qu’ils jugent élevé) pour en déduire un coût d’externalités du CO2 de quelques Euros. Cela conduit dans la pratique à ne rien faire.
  2. Les tenants du Développement Durable jugent la question du changement climatique et de la biodiversité essentielle. Ils considèrent que la croissance verte permettra de réduire significativement les émissions sans que les objectifs de développement soient remis en cause. Nicholas Stern (auteur en 2006 du rapport Stern) pourrait être la figure de proue. On pourrait y classer la plupart des économistes de la croissance (Philippe Aghion par exemple) mais aussi Ségolène Royal et la loi de transition énergétique pour la croissance verte, Emmanuel Macron, certaines ONG environnementales, le pacte Finance-Climat qui propose une « solution scandaleusement simple ».
  3. Les partisans de la post croissance jugent également la question du changement climatique essentielle mais estiment qu’une réduction significative ne s’opèrera qu’au prix de changements radicaux. On peut citer Negawatt Jean-Marc Jancovici, fondateur du Shift Project et auteur prolifique qui insiste sur le lien fort entre PIB et consommation d’énergie (par conséquent émissions de CO2) et d’une manière plus générale les mouvements écologistes qui se définissent comme « objecteurs de croissance ». Ce groupe minoritaire présente beaucoup de nuances de gris. Si Negawatt prône la sobriété, son scenario envisage sans états d’âme 100% d’énergie renouvelable en France en 2050 alors que Jean-Marc Jancovici reste très sceptique sur le développement des énergies renouvelables et reste un partisan fervent de l’énergie nucléaire.

Panorama des illusions

Fort de cette identification des différentes espèces, nous avons étudié 7 illusions qui méritent d’être étudiées :

  • Illusion 1: Le climato-scepticisme.
  • Illusion 2 : L’énergie abondante et bon marché
  • Illusion 3 : La croissance verte.
  • Illusion 4 : La faute des lobbys
  • Illusion 5 : La transition juste
  • Illusion 6 : L’énergie 100% renouvelable en 2050.
  • Illusion 7 : L’illusion digitale
  • Illusion 8 : L’inégalité durable

L’illusion 1 est portée par les climato-sceptiques pour qui le changement climatique ne nous impactera pas vraiment.

L’illusions 2 est véhiculée par les tenants du développement durable.

Les illusions 3, 4 et 5 sont des déclinaisons de l’illusion 2.

L’illusion 6 et 7 viennent nourrir l’illusion 2

L’illusion 8  est plus tentante pour les post-croissants. Dans un monde sans croissance, ce que gagne les pays qui se développent se fait aux dépens des pays riches. Pourtant l’inégalité entre pays est aujourd’hui telle qu’elle n’est pas durable ! Dans un monde sans croissance, la question du juste niveau d’inégalité se pose de façon aigüe.

Au terme de ce panorama sombre, la voie du succès parait bien étroite. Le chapitre « Moyens » examine les pistes de solutions.


En bref

  • L’immobilisme climatique se nourrit d’illusions.

  • Croire qu’il n’y à rien à faire pour réduire les émissions conduit à l’inaction. Croire qu’il y a des solutions simples pour y arriver conduit à des impasses.

  • 8 visions qui pourraient être des illusions : à vous d’en juger !